Lettres Adressées

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Lettres adressées

Lettre au ministre de la justice

Lettre du Grand Cadi de Mayotte au Ministre de la justice

 Mamoudzou, le 8 octobre 2003

Le Grand Cadi de Mayotte A Monsieur le Ministre de la justice Garde des sceaux 75 000 Paris

Objet : Rappel des rôles du Cadi et des priorités pour les maintenir et les développer

 

1 – RAPPEL DES RÔLES DU CADI PAR DES TEXTES:

A – DISPOSITIONS DES TEXTES ANCIENS : 1) Art. 7 du traité de cession de Mayotte en date du 25 Avril 1841 entre PASSOT et ANDRIANTSOULI : Les discussions, disputes ou différents quelconques qui s’élèvent entre les Français et les anciens habitants de Mayotte, seront jugés par des hommes sages et éclairés choisis dans les deux populations et désignés par sa majesté le roi des Français ou par son représentant à Mayotte.

 

2) Rapport du commandant PASSOT au Gouverneur de Bourbon le 14 juin 1843:

« Soldats, nous allons arborer le pavillon de France sur Mayotte. » A dater de ce moment cette île va être possession française et ses habitants sujets de notre roi.

« Vous allez vous trouver en contact avec une population superstitieuse, dont les mœurs et la religion sont totalement opposées aux vôtres ; vous respecterez leur préjugés et leurs croyances. »

 

3) Art. 75 de la constitution française de 1958:

« Les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun, conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé . »

 

4) Art. 76:

« Les territoires d’Outre-Mer ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres. »

 

5) Décret du 1er Janvier 1939:

Les tribunaux de Cadis connaissent : de toutes les affaires relatives au statut personnel, état civil, mariages, dot, garde d’enfant, filiation, divorce, pension à l’épouse, aux ascendants, aux descendants…

 

6) Délibération n°64/12 bis du 3 juin 1964:

La justice musulmane connaît de toutes les affaires civiles et commerciales entre musulmans autres que celles relevant du droit commun…Indépendamment de leur attribution, les Cadis exercent les fonctions de notaires entre musulmans. Ainsi plus de 150 variétés d’actes sont quotidiennement faits à la demande des citoyens, contrat de mariage, acte de vente… Il est administrateur de Wakf. Il est représentant légal du défunt.

 

7) Art. 17 de la délibération n°61/16 du 17 mai 1961 de l’assemblée territoriale des Comores:

Lorsqu’une naissance n’aura pas été déclarée dans le délai légal, l’officier d’état civil ne pourra la recopier sur ces registres, qu’en vertu d’un jugement supplétif d’état civil rendu par le Tribunal du Cadi du lieu de naissance. La procédure est la même quand il s’agit de décès et de mariage.

 

8) Art. 26:

Les Cadis appelés à être témoins instrumentaires d’un mariage doivent, dès la conclusion, en faire la déclaration à l’officier d’état civil.

 

9) Art. 30:

La répudiation par l’homme et la répudiation par la femme (Khol) doivent faire l’objet d’une déclaration au Cadi.

 

10) Art. L 122-25 du code des communes applicables à Mayotte : (ordonnance n°7-450 du 29 avril 1977 :)

Les Cadis conservent leur attribution pour ce qui concerne les actes de mariage, les divorces, et les jugements supplétifs d’actes de naissance.

B – QUELQUES DISPOSITIONS DE NOUVEAUX TEXTES :

1) Ordonnance n°2000-218 du 8 mars 2000: Art. 19 La commission (de révision de l’état civil) est composée de :-4) du Grand Cadi ou de son représentant.

2) Ordonnance n°2000-219 du 8 mars 2000: Art. 16 La célébration du mariage est faite par le Cadi en présence des futures époux, du tuteur matrimonial (Wali) de deux témoins, et de l’officier de l’état civil de la commune de résidence de l’un des futures époux.

Art.17 : Lorsqu’un mariage célébré antérieurement à la publication de l’ordonnance n°2000-219 du 8 mars 2000 relative à l’état civil à Mayotte n’aura pas été déclaré à l’officier de l’état civil, celui-ci ne pourra le relater sur ces registres qu’en vertu d’un jugement supplétif de mariage rendu par le tribunal de Cadi du lieu de la conclusion du mariage,….

3) Loi n°201-616 du 11 juillet 2001Art. 59: Dans les rapport juridiques entre personnes relevant du statut civil de droit local applicable à Mayotte, le droit ? s’applique lorsque ces rapport sont relatifs à l’état, à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités…

 

Pourquoi donc modifier les règlements sur le mariage et succession sans consulter les personnalités compétentes en la matière.

Art.61 : A Mayotte cette juridiction civile de droit commun est composée, en première instance d’un magistrat du siège du Tribunal de 1ère instance, Président, et de deux Cadis, assesseurs.

Art. 62 : Outre les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article précédent, les Cadis peuvent assurer des fonctions de médiation ou de conciliation. De l’ensemble de ces textes, il apparaît que le Cadi est à la fois, Juge, Notaire, et autorité religieuse.

4) Loi programme sur l’Outre-Mer (2003 article 68):

a) Cet article 61 est remplacé par les dispositions suivantes (loi programme sur l’Outre-Mer, 2003) La juridiction compétente à Mayotte pour connaître des instances auxquelles font parties les personnes relevant statut civil de droit local applicable à Mayotte, et ayant entre elles des rapports juridiques relatifs à l’état et la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités, est , selon la volonté des parties, soit le tribunal de première instance, soit le Cadi.

b) Après l’article 52, sont insérés les articles suivants :

Art. 52-1 : Le statut civil de droit local régit l’état et la capacité, les régimes matrimoniaux les successions et les libéralités. L’exercice des droit, individuels ou collectifs, afférents au statut civil de droit local, ne peut en aucun cas, contrarier ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyens français. En cas de silence ou d’insuffisance du statut civil de droit local, il est fait application, à titre supplétif, du droit civil commun. Les personnes relevant du statut civil de droit local peuvent soumettre au droit civil commun tout rapport juridique relevant de statut civil de droit local.

C’est sans doute des textes semblables que le Tribunal du Cadi tire sa reconnaissance et son soutien. Il peut y tirer aussi sa suppression, surtout à partir des textes récents. Quand à son existence, elle provient du Coran et du Sunna. Comme l’homologation de viande halal, la gestion des lieux de culte , l’aumônerie… , la justice musulmane est l’une de ces fonctions et de ces responsabilités islamiques définies par la loi et la tradition musulmane, qui émanent du Coran et du Sunna. Partout où il y a une communauté musulmane, il y a une autorité qui exerce le rôle de Cadi, qu’elle soit officielle ou non, reconnue ou pas. La fonction du Cadi, comme celle d’imam… font partie de l’exercice des pratiques spécifiques de l’islam. Sa protection et son amélioration peuvent être assurées sous une monarchie, mais surtout dans le cadre d’un état républicain, démocratique et pluraliste, où la liberté de religion est proclamée.

L’usage de l’écrit est un exemple de protection et d’amélioration de cette fonction. L’écrit n’est pas obligatoire pour la validité de certain actes, par exemple le mariage. Cependant il est très recommandé par le Coran et indispensable pour la société civile. Donner à la justice musulmane les moyens de l’écrit c’est déjà une protection et une amélioration. Mais en plus, nous voyons d’autres priorités.

 

II LES PRIORITES DE LA JUSTICE MUSULMANE

1) Reprendre les programmes interrompus :

a) Ouverture d’un concours pour le recrutement de Cadis et de Secrétaires greffiers : C’est dans les deux communes encore dépourvues de Tribunaux de Cadi : Ouangani et Kani-keli. La délibération n°6/93 du conseil général a prévu cette ouverture. C’est également pour remplacer deux Cadis qui ont atteint l’âge de retraite.

b) Reprendre le programme de construction de bureaux et logements des Cadis : 5 seulement sur 18 ont été construits : Sada, Démbeni, Koungou, M’tsangamouji et M’tsamboro.

Ce programme a été prévu par le conseil général. c) Assurer les équipements et les fournitures réguliers des bureaux des Cadis : - Les 17 machines à écrire ancien modèle, sont à remplacer par 17 ordinateurs - Les machines photocopieuses en mauvaises état, sont à remplacer : actuellement il faut cinq. - Entretenir régulièrement les machines, les outils, les téléphones…. d) Envisager l’organisation de concours internes : Des stagiaires sont en attente de passer le concours, depuis plusieurs années. 2) Esquisser de nouveaux programmes :

a) Relever progressivement le niveau de recrutement des secrétaires greffiers puis des Cadis afin d’améliorer la qualité de leur travail, pour pouvoir améliorer leurs statuts.

b) Afin faciliter le renouvellement des cadres religieux, en particulier des cadres de la justice musulmane, trouver des centres de formation en France, en Europe ou dans les pays francophones, pour les étudiants islamiques de Mayotte.

  • Prévoir d’aide spécifique sous forme de bourses d’études pour ces étudiants.
  • Pour permettre la documentation, construction d’un Centre Islamique comprenant bibliothèques, salles de réunion, salle d’enseignement maternel, primaire et secondaire.
  • Renforcer les liens avec les musulmans de France.
  • Prévoir un véhicule de service pour la justice musulmane.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre l’assurance de ma haute considération.

 

Remarques : A la date d’aujourd’hui , 12 juillet 2007, la situation n’est pas tout à fait la même : Chaque commune a son tribunal du cadi. Il y a un véhicule pour le service. Il y a un ordinateur dans chaque tribunal du cadi….

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